STHIRA – SUKHAM : STABILITE – AISANCE
Dans l’immobilité de la posture, loin de s’agiter , les muscles » restent » : certains contractés, d’autres ‘ »étirés », d’autres encore « relâchés », mais tous restent, se stabilisent, pondèrent , méditent . Ils se révèlent.
Ici, dans PASCHIMATANASA ( étirement postérieur) , les ischions jambiers à l’arrière de la cuisse réalisent son raccourcissement endémique.
Là, dans DHANURANASANA ( posture de l’arc) le quadriceps à l’avant de la cuisse dévoile sa secrète crispation.
Ici, dans SHIRSHASANA ( posture inversée) les bras et les épaules mesurent leur insuffisance, la colonne vertébrale réfléchit sur sa raideur.
Là, dans VRIKSHASANA ( posture de l’arbre) les oscillations donnent aux jambiers matière à « penser ».
Si l’on considère le nombre et la variété des postures de Yoga, on voit rapidement qu’il y a occasion à méditer pour tous nos muscles. Ils doivent avoir la juste tension, le juste tonus pour que le l’instrument corporel soit accordé et joue de sa propre musique, pour qu’il puisse agir sans effort excessif, sans fatigue mais avec efficacité.
Dans le maintien postural de l’Asana, il y a un premier temps pendant lequel nous laissons le corps se raccorder : cela ne se fait pas mécaniquement, mais bien au contraire dans l’attention, dans le sentir, dans l’être conscient, et cela peut aboutir à un deuxième temps, où la plus belle musique est là : le silence. Non pas le silence d’omission, de refoulement, non pas la parole cachée qui attend d’exploser, mais le silence vrai , le silence de légèreté, de non conflit, d’équilibre , d’abandon. Dans ce silence musculaire, il y a harmonie entre les différentes forces agissant sur le corps : les grandes forces d’enroulement et de redressement, de flexion et d’extension, d’ouverture et de fermeture, de défense et d’attaque, de rotation et de propulsion, de déroulement et de spirale…des forces qui se matérialisent en structures musculaires, en chaînes, en plans, en systèmes antérieur-postérieur, droit-gauche, interne-externe etc…Ces couples sont souvent en disharmonies, parfois sous tendent et les dirigent, c’est à dire pulsions, désirs, représentations, croyances , pensées.
Or dans l’immobilité des Asana, dans l’absence de » but » externe, toutes ces forces retrouvent progressivement leur vocation de complémentarité, leur équilibre le plus fin et adapté, donc mobile, dynamique ( même si nous ne bougeons pas) , elles recouvrent leur juste mesure , et oh miracle, elles ne bavardent plus. La tension devient attention. Le corps sort de la conflictualité .Pantajali nous le dit bien : L’Asana est stabilité- d’accord- mais elle est aussi et en même temps aisance, liberté, où les assauts de la dualité ordinaire cessent . Mais…mais : il y a pour cela des conditions . D’abord prévient Pantajali, il faut lâcher : lâcher tout effort indu, inutile, redondant, toute résistance, tout acharnement, toute » triviale » poursuite. Ce qui veut dire, dans notre contexte, lâcher toute image-fantasme de « posture parfaite ».
Et qui poursuit, qui résiste : mais oui bien sûr, c’est bien l’égo, c’est bien lui! c’est lui qui tire les ficelles, c’est lui qui fait tourner le moulin à trop grande vitesse. C’est lui qui prend et rejette, s’accroche et et s’oppose, se fragmente. Mais il faut bien qu’un jour il accepte de rentrer dans ses territoires, de se taire, de se dissoudre par une alchimie intime , subtile , profonde et sincère.
La condition pour que la posture soit aussi Asana, est l’acceptation ( même momentanée) de l’égo à se taire, et ce qui la rend possible est l’attention à ce qui est, attention aux sensations corporelles, présentes d’instant en instant, un inspir et expir calme et régulier, long et profond , et à ce moment là l’énergie la plus subtile du corps s’éveille, elle se dynamise et circule plus librement.
L’essentiel est que nous sommes là, ou plutôt qu’il y a un » être là » . Là, pas ailleurs, maintenant , et pas avant ni après.
Alors le silence peut arriver, un silence où aucun son n’est émis, mais où tous les sons peuvent être « entendus », un silence qui peut être traversé par des « cris », des « voix », des « soupirs », des « rires »….
Seule l’attention demeure. Elle n’est ni objet, ni sujet. Elle n’est pas « mon » attention : elle est » lumière impersonnelle.
Lorédana Hamoniaux ( Formatrice d’enseignants à l’EFY de PARIS , entre autre. Elle nous a quitté en 2011).
🙏 Namasté